L’inégalité des citoyens
Un patron, Virron, invite à
dîner son client Trébius.
En premier lieu, persuade-toi bien que l'invitation que tu reçois est
pour toi le salaire intégral d'une longue suite de services rendus. Le
bénéfice de l'amitié d'un grand, c'est la nourriture [...].
Lui, Virron, il prend en main des coupes où le béryl1 fait saillie. À
toi on ne confie aucun ustensile qui soit en or, ou si
cela arrive
on met à tes côtés un surveillant pour y dénombrer les pierres précieuses et observer tes
ongles crochus [...]. Voici qu'un esclave te présente, en grognant Dieu sait comme, un pain qu'à
peine il daigne rompre, morceaux déjà moisis faits d'une farine compacte sur lesquels la mâchoire
travaille sans réussir à les entamer. Au maître, on en réserve du tendre,
qui est un blanc neigeux et fabriqué avec la fine fleur de froment[...]. Essaie
seulement de desserrer les lèvres, et tu seras traîné par les pieds et déposé dehors [...]. Il y a tant de choses
qu'on n'ose articuler quand on porte un habit râpé ! [...]
Tu te crois un homme libre et le convive de ton «
roi ». Lui, il te
considère comme le prisonnier de la bonne odeur de sa cuisine [...]. C'est l'espoir de bien dîner qui vous dupe [...]. Il a raison de te
traiter ainsi, car si tu es capable de tout supporter, c'est que tu le
mérites. Un beau jour, tu offriras, crâne tondu, les joues à ses soufflets, tu
accepteras la cuisson des coups de fouet : tu seras digne d'un tel festin et d'un tel ami.
Juvénal, Satires, début du IIe siècle.
Des citoyens inégaux
devant la justice
Ceux qui
arrachent ou arasent les bornes ou les arbres marquant des limites, s'ils sont
esclaves et qu'ils l'aient fait de leur propre initiative, sont condamnés aux
mines ; s'ils sont humiliores, ils sont condamnés aux travaux
publics ; s'ils sont honestiores, ils sont relégués dans une
île après confiscation du tiers de leurs biens. [...]
Ceux qui
violent une vierge, non encore en puissance maritale, s'ils sont humiliores, sont
condamnés aux mines ; s'ils sont honestiores, ils sont
relégués dans une île. [...]
Celui qui, en
vue de le livrer au stupre ou d'en tirer plus d'argent, a castré ou fait castrer
un homme malgré lui, qu'il s'agisse d'un esclave ou d'un homme libre, peu
importe, est puni de mort ; les honestiores eux sont déportés
dans une île après confiscation de leurs biens.
Ceux qui
donnent un philtre abortif ou un philtre d'amour, parce qu'il s'agit là d'un
mauvais exemple, sont condamnés aux mines s'ils sont humiliores ; s'ils
sont honestiores, ils sont relégués dans une île après la perte
d'une partie de leurs biens.
Paul (juriste
romain), Sentences, vers 230
La Bible et les privilèges juridiques du citoyen romain : Paul, apôtre de Jésus, bénéficie de la justice impériale.
On allait
attacher Paul pour le fouetter quand il dit au centurion de service : « Un
citoyen romain, qui n'a même pas été jugé, avez-vous le droit de lui appliquer
le fouet ? ». À ces mots, le centurion alla mettre son supérieur au
courant : « Qu'allais-tu faire ! L'homme est citoyen romain ! ». Le supérieur
revint donc demander à Paul : « Dis-moi, tu es vraiment citoyen romain ? » «
Oui, dit Paul [...], je le suis de naissance ». Ceux qui allaient le mettre à
la question le laissèrent donc immédiatement ; quant au chef, il avait pris
peur en découvrant que c'était un citoyen romain qu'il gardait enchaîné.
Actes des
Apôtres, 22, 25-29, fin du Ier siècle.
Paul répliqua
: « Si vraiment je suis coupable, si j'ai commis quelque crime qui mérite la
mort, je ne prétends pas me soustraire à la mort. Mais si les accusations dont
ces gens me chargent se réduisent à rien, personne n'a le droit de me livrer à
leur merci. J'en appelle à l'empereur ! ». Le gouverneur Festus prit alors
l'avis de son conseil et répondit : « Tu en appelles à l'empereur : tu iras
devant l'empereur. »
Actes des
Apôtres, 25, 11-12, fin du r siècle.
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